Sur les traces du maquis de Neaux.
Régis Usson
25 juin : le projet de mettre en lumière le maquis de Neaux date de deux ans mais a été ajourné pour raison sanitaire. La météo est au beau, nous retrouvons les membres des « Chemins du Passé » au bourg de Neaux et, en compagnie de Jean Girardet qui a vécu aux Crêts pendant la guerre, de Régis Usson qui connaît bien le site, et Jean-Noël Cimetière qui connaît les lieux du combat de Neaux.
Visite des Crêts, lieux de parachutage et de résidence des résistants
Nous faisons un premier arrêt là où se réceptionnaient les parachutages, au dessus de Fragny, au bord d'un champ, à un petit col entre les collines : c'est le lieu que la résistance avait choisi pour permettre aux avions venant du côté lyonnais de larguer leurs cargaisons de munitions et de matériels. Il y avait dans l'angle du pré un transformateur sur lequel les maquisards allumaient des feux clignotants. L'exposition était bien calculée, le lieu discrètement abrité par une légère pente du terrain et suffisamment dégagé pour la fuite des engins après la livraison.
Vue depuis les lieux de parachutage (Photo RU)
Le pré où ont été largués les parachutages (Photo CJ)
Les paysans du secteur prenaient alors le relais avec leurs bœufs et rapatriaient les containers dans la grange occupée par le maquis un peu plus haut. Nous montons jusqu'au lieu dit « le Crêt » et atteignons à pied la ferme en question. C’était une bâtisse abandonnée que les maquisards avaient investie après que la maison initialement habitée un peu plus bas ait brûlé. L'endroit était discret et, en montant sur la butte qui surplombe, les Résistants pouvaient surveiller les deux routes principales du secteur, la RN7 et la RN 82.
La maison où a résidé le maquis de Neaux (Photo RU):
Jean Girardet avait 8 ans à cette époque mais il se souvient très bien car il habitait à proximité de la maison du maquis. C'est chez lui que les maquisards venaient se ravitailler en eau potable. La famille était informée quand avaient lieu des parachutages. Elle n'a pas été inquiétée quand la milice et les allemands ont délogé le maquis. Ce n'est pas le cas des fermes alentour qui ont eu la visite des Allemands après le départ des maquisards : une belle frayeur pour certains mais pas de représailles. Ce qui est certain, c'est que les Maquisards ont été dénoncés par un habitant proche, un simple d'esprit qui n'a pas mesuré la portée de sa démarche. Lui a payé de sa vie, il a été fusillé dans le bois un peu plus bas le jour même.
Visite des lieux des combats de Neaux
Nous quittons les hauteurs et descendons par Fragny pour rejoindre l'Hôpital-sur-Rhins et comprendre comment se sont déroulés les événements suivants qui ont conduit aux combats meurtriers de Neaux.
Nous sommes au mois d’Août 44. Les maquisards ont été délogés un peu partout et lesAllemands commencent à rebrousser chemin. Les Résistants qui ont échappé aux représailles mènent des actions pour chasser l'ennemi. Dans le Roannais, la section a été dissoute suite aux massacres du Gué de La Chaux. Cependant, les rescapés du groupe de Saint-Germain-Laval et celui de Saint-Georges-de-Baroille se réorganisent autour de deux chefs, Boyer et Henry.
Ils apprennent que le 18 Août les Allemands postés à Roanne devaient partir en convoi en direction de Lyon, horaire prévu 6 heures du matin. Ils se réunissent le 17 au soir pour organiser un commando chargé de retarder ce convoi. Ils possèdent deux camions et une traction ainsi que des munitions stockées chez Jaqueton à l'Hôpital-sur-Rhins. Avant l'aube, le commando (une soixantaine) se poste au niveau du lieu-dit Les Etivaux sur la N7, un endroit où la route décrit plusieurs virages d'où il est aisé de se dissimuler dans lavégétation et de s'enfuir dans la campagne en cas de besoin.
A l'heure dite tout est prêt mais le convoi tarde à venir. Un chauffeur français, M Bret, avait été réquisitionné pour le conduire. Celui-ci hésite, prétexte aller chercher du carburant à Roanne et ce n'est qu'à 9 heures qu'il arrive aux Etivaux où il est arrêté parce que ça tirait de partout. Car , quelques instants plus tôt, sans être prévu, une colonne allemande (70 à 80 camions avec canons et automitrailleuses ) arrivait de Lyon. Le chef Henry venait de donner l'ordre de repli à ses troupes mais une balle traçante a été malencontreusement tirée par une jeune recrue, déclenchant un combat meurtrier au niveau du pont Margiron. Devant l’inégalité des forces en présence, quatorze maquisards y laissèrent leur vie ainsi qu'une trentaine d'Allemands.
Le pont Margiron (Photo CJ)
Cependant certains résistants ont pu s’échapper et s'évanouir dans la nature avec la trouille au ventre dans la campagne en direction de Saint-Symphorien , de Régny et l'Hôpital-sur-Rhins. La ferme Martinez, située à proximité a été incendiée, le fermier mitraillé. Marie Lafay, la fille d'une autre ferme, est venue négocier pour faire libérer Mme Martinez. Les ouvriers qui arrivaient pour les battages dans la ferme Pion à la Picotte ont été mis en joue. A l 'entrée du village de Neaux, un commerçant, M Vacheron, devait se rendre en ville avec l'argent de son commerce, deux cyclistes avaient pris place dans son camion. Mais au moment du départ, le véhicule a été arrêté par une automitrailleuse qui a fusillé les deux passagers ainsi que le jeune Raymond Roberton qui se trouvait là. Plusieurs personnes sont venues parlementer pour arrêter le massacre : Lili Guyot, l'Abbé Lacroix et un ouvrier alsacien de l'usine Plasco. Les militaires allemands n’étaient pas des SS, ils avaient surtout hâte de partir.
Monument commémoratif (Photo RU)
Il aurait bien pu y avoir plus de représailles locales. Le combat de Neaux qui devait être une simple action de déstabilisation de l'armée en déroute est devenu un vrai désastre. Une stèle, sur les lieux du drame et une autre à l'entrée du bourg rappellent cette tragédie que l'on commémore chaque année au mois d’Août. Mais peu de personnes se souviennent que, là-haut sur le Crêt, des hommes ont risqué leur vie pour libérer le pays. Il serait temps qu'un simple panneau le mentionne pour en garder la mémoire.