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Les faussaires de l'An 8

Par Claude Janin

D’après Étienne Chevillard pour le journal « Le Pays Roannais » 1993

Dans les catégories des vieux métiers, celui de faussaire a certainement été très répandu. En tout cas notre région n’y a pas échappé. En témoigne ce courrier de l’An 8. Il fut écrit par M. le Préfet de police de Paris et adressé au commissaire du gouvernement près du Tribunal criminel du département de la Loire situé à Montbrison. Il date du 22 Thermidor an 8, soit le 10 août 1800. Rappelons que Montbrison était alors, et jusqu’en 1855, chef-lieu du département de la Loire.

Ce courrier accompagne et résume un dossier qui comprend de nombreux documents relatifs à une enquête sur un réseau de faux monnayeurs

Mais prenons en connaissance.

« Citoyen commissaire,

Une affaire aussi étendue d'importante relative à la contrefaction de la monnaye de cuivre,m'occupe depuis quelques temps déjà par suite des recherches que j'ai fait faire, 35 individus sont arrêtés, et on a saisi chez la majeure partie d'entre eux des pièces à conviction telle qu'une assez grande quantité de fausses pièces de sols doubles et simples de métail de cloche coulée en sable, six atteliers avec les moules et autres ustenciles propres à cette contrefaction.

L'un de ces individus se nomme Burdin arrêté récemment et convenu d'avoir acheté de ces faux sols de l'un de ces fabricants pour les faire passer dans les départements, et notamment à Régny près de Roanne son pays natal. Une correspondance saisie dans la paillasse de son lit confirme cet aveu ; elle consiste en 4 lettres dont vous trouverez copie ci-jointe ; vous verrez par ces lettres, Citoyen, et par l'interrogatoire de Burdin que le citoyen Robert Marie Bissuel, marchand de toile, et ayant été, ou étant encore juge de paix du canton de Régny, a offert, dès le 14 Germinal dernier, ses services à Burdin pour recevoir les fausses pièces et lui envoyer des marchandises en échange ; que cette proposition a était acceptée et qu'une somme de 480 francs de faux sols a été expédiée par la voiture d'un nommé Giroux, voiturier à Saint-Symphorien-de-Lay près de Roanne, ainsi qu'il résulte de la lettre du 25 floréal par laquelle Bissuel en accusait la réception. »

Interrompons la lecture de ce courrier pour signaler que le sieur Bissuel était d’une certaine façon double-actif puisqu’en plus de tremper dans un réseau de fausse monnaie, il était juge de paix. Mais reprenons notre lecture.

« Vous verrez encore par une autre subséquente que ce dernier paroissoit éprouver beaucoup de difficultés pour passer cette fausse monnaye et qu'enfin un nommé Jacqueton, voiturier à Régny et Rochard marchand de vin à Perreux près de Roanne, se trouvent encore impliqués dans cette affaire, comme ayant voituré des faux sols de Paris dans cet endroit.

Burdin pour donner une preuve plus authentique de ces faits et notamment ceux relatifs à Bissuel, a, au moment de son arrestation, et en présence de l'officier public, écrit une lettre pour ledit Bissuel par laquelle il l'invite à lui renvoyer sur le champ le baril de gros sols qu'il lui à fait tenir il y a 20 jours. Je vous fais passer également copie de cette lettre, et celle de l'interrogatoire de Burdin né à Régny le 22 juillet 1758, fils de Claude Tisserand et Marie Nicot.

Toutes ces circonstances m'ont déterminé à décerner des mandats d 'amener et de perquisition contre les nommés : Rochard, Jacqueton, Giroux et Bissuel ; mais Burdin n'ayant pu dire si ce dernier rest encore juge de paix, je vous envoye ces mandats, pour l’exécution desquels vous pourrez voux concerter avec le directeur du jury d'arrondissement. Je vous invite citoyen commissaire à employer tous les moyens qui sont en votre pouvoir pour que cette mesure soit exécutée tant à l'égard de Bissuel que relativement aux trois autres prévenus, avec tout le soin et la célérité queue exige et à faire conduire ensuite devant moi, part la Gendarmerie nationale, de brigade en brigade, ces individus ainsi que les pièces à convictions saisies en leur domicile.

Je vous serais obligé de me faire connaître le résultat de vos diligences à cet égard. Salut et fraternité. »

Thibout

Au-delà des faits évoqués, ce courrier est une illustration intéressante des relations administratives plus fraternelles qu’institutionnelles dans la république française naissante. Nous ne savons pas quelles suites furent données à cette demande ni si les faussaires se sont défaussés et si le juge s’est déjugé. Nous vous en informerons dès que nous en saurons plus.

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