Derroire Jean-Etienne, Directeur d'école

DERROIRE Jean-Etienne, Directeur d’école au passage du siècle (vingtième)

Par Claude Janin

Cet entretien, qui est imaginé, aurait pu avoir lieu en 1890, année où l’Etat a décidé de ne plus soutenir les cours du soir pour adultes à Fourneaux. Jean-Etienne Derroire lui n’est pas imaginaire. Directeur de l’école de Fourneaux de 1886 à 1902, il fut l’un de ses acteurs passionnés de ce que l’on appelait alors l’instruction publique… l’un d’eux certes, mais certainement aussi l’un de ceux qui a le plus laissé son empreinte… au-delà de l’école il était historien passionné et a collaboré avec Joseph Déchelette dans de nombreux travaux archéologiques. Toutes ses activités lui valurent les palmes académiques.

En cette fin de journée de printemps nous entrons dans l’école de Fourneaux. Jean-Etienne Derroire range sa classe en disant au revoir à ses élèves. La journée a été particulièrement riche. Calcul, lecture et histoire au programme du matin, et toute l’après-midi passée dans la pépinière de l’école à s’occuper des arbres naissants ou en croissance. Leçon de choses par la pratique.

Approchons nous.

  • Monsieur Derroire, bonjour

  • Bonjour Monsieur

  • Vous êtes instituteur de l’école de garçons de Fourneaux, et vous allez nous parler d’une grande réalisation de votre école…

  • Oui. La bibliothèque scolaire fondée, par mes soins, en 1873. Elle avait à l’époque vingt livres. Aujourd'hui, elle en compte 453. 255 de lecture générale et 198 pour la classe.

Depuis sa création, c’est près de 6000 livres prêtés, aux enfants, mais aussi aux adultes !

  • Parce que vous ne vous adressez pas qu’aux élèves ?

  • Bien sûr que non. Une école doit s’ouvrir ! Contribuer à l’instruction de tous !  Depuis l’année scolaire  1866-1867 des cours du soir pour les adultes sont organisés… Chaque année, c’est entre 10 et 23 personnes qui y viennent ! C’est important pour un village de 1200 habitants. Et pourtant l’Etat me demande de les arrêter cette année  !

  • Mais vous allez tenir bon ,

  • Si possible… mais il n’est pas facile de résister aux injonctions venant d’en haut, sans toujours connaître notre réalité …

  • En tout cas, vous avez l’air très investi. Avez-vous d’autres activités marquantes ?,

  • Oui. La pépinière ! Elle fait plus d’un quart d’hectares… créée en 1874, et annexée à l'école de garçons sous les auspices du Conseil Général. Sa destination est de fournir des plants pour faciliter et encourager les arbres.  Elle a ainsi donné le goût et l'initiative des plantations et des reboisements dans un temps où l'on est généralement plus disposé à défricher qu'à planter. Elle vise aussi à procurer des arbres pour les dépendances des écoles.

  • Mais pourquoi une pépinière dans une école ?

  • Elle permet de former des élèves aux principes de la greffe et de la taille.

  • Et les arbres deviennent quoi ?

  • Depuis sa création, la pépinière a fourni plus de deux cent mille arbres forts pour être repiqués à demeure, dont plus de cinq mille arbres fruitiers greffés. Ses produits sont disséminés un peu partout à travers le département.

  • Après avoir été faite par l’école, c’est donc la pépinière qui aujourd’hui fait école ?

  • D’une certaine manière, oui ! Et plus d'un savoure les fruits qui en résultent ou voit avec plaisir ses produits prospérer et grandir sans se douter de l'ennui et de la peine qu'ils m'ont donnés.

  • Vous parlez des arbres ou des enfants ?

  • Des deux ! J’espère que mes anciens élèves sont fructueux dans leur vie !

Il en va ainsi des éducateurs. Leurs enseignements essaiment pour longtemps… un peu comme une pépinière… dont on retrouve encore aujourd’hui des produits à l’arboretum des Grands Murcins, dans les Côtes Roannaises. Quant aux enseignements de Jean-Etienne Derroire, la culture et les savoirs ne sont-ils pas la sève invisible des sociétés humaines ?