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Sophie Vallier et Napoléon

Sophie Vallier et Napoléon

 

 

Le 21 janvier 1792 naît Sophie Vallier, fille de Claude VALLIER et de Marie BUFFETON. Elle passera toute sa vie dans les relais de poste tenus par ses parents… et pas n’importe quel relais… celui du Col du Pin Bouchin, col situé aujourd’hui sur la RN7 entre Roanne et Tarare. Il était appelé auparavant Col de La Chapelle et changea de nom à la Révolution de 1789.   A 800 mètres d’altitude l’auberge est un lieu d’étape que voyageurs et transporteurs sont heureux de trouver après la montée raide du col depuis Tarare, moins raide mais plus longue depuis Roanne.

 

Il était d’abord situé à La Fontaine, où nous avons relaté le passage de d’Artagnan. Entre 1791 et 1792, année de la naissance de Sophie, ses parents quittent La Fontaine pour s’installer dans un nouveau bâtiment qu’ils ont construit plus près du col.  Ce bâtiment existe encore et fait partie de l’ensemble bâti au bord des quels trône un buste de Napoléon et qui se voit sur la droite au début de la descente vers Roanne, en face de la route partant sur Violay.

 

Napoléon en quelque sorte fait partie de la vie de Sophie.  En 1797, gamine de 5ans,  elle voit passer Bonaparte, entouré des généraux Berthier, Murat, Lannes, Marmont, tous futurs maréchaux. Ils reviennent alors de la campagne d'Egypte.

 

Quelques années plus tard Bonaparte Premier Consul prend un rafraîchissement en compagnie de Joséphine au retour d'un voyage à Lyon. 

 

Dans un autre déplacement plus tardif, dont la date n’est pas mentionnée, Napoléon, déjeune au relais. Il est devenu Empereur. Il commande une omelette que lui apporte Sophie. L’a-t-il dégustée ? L’a-t-il appréciée ? Nous ne le savons pas… Toujours est-il que si l’omelette ne l’était peut-être pas assez, l’addition, elle, lui parait salée. Il s’en étonne auprès de Sophie qui vient de le servir. « L’omelette est bien chère… les œufs sont donc si rares ici ? ». La fille qui ne manquait pas de répartie lui répond avec aplomb « non pas les œufs sire, mais les empereurs oui. »

 

Une autre rencontre va se produire entre Sophie et Napoléon, qui va certainement plus marquer l’esprit de Napoléon. Là encore la date précise est inconnue. Se rendant à Lyon, il aborde le col en pleine tempête de neige. Le brouillard est dense, le manteau blanc est épais, le vent est glacial. Après une courte halte, Napoléon veut repartir sur Tarare. Sophie Vallier le lui déconseille, jugeant dangereux d’entreprendre sous ce temps la périlleuse descente. Mais têtu comme un Corse, l’Empereur insiste. Comme elle connaît par cœur la Montagne de Tarare et la route qui en descend, elle accepte alors de lui montrer le chemin. Elle attache un foulard blanc à la queue de son cheval pour être visible dans le brouillard et part devant. Elle entreprend la descente à une telle vitesse que même Napoléon, qui pourtant apparemment n’avait pas froid aux yeux en gardera un souvenir cuisant. Arrivé à bon port il avoua à son entourage « elle a failli me tuer cette folle »

 

Pourtant quelques semaines plus tard, une malle-poste dépose au Pin Bouchain un paquet contenant un service à café de 6 tasses en argent gravées au nom de Sophie Viallier.

 

Voici donc l’histoire des relations entre Napoléon et Sophie… A-t-elle pu approcher l'Empereur le 23 avril 1814 quand celui-ci partant en exil à l'île d'Elbe est repassé sur cette même route ? On ne le saura jamais.

 

Une chose est sûre, si la carrière de Sophie fut moins glorieuse que celle de Napoléon, elle fut plus longue, et ne manqua pas de panache. Au décès de son père, elle reçoit le 13 septembre 1824, le Brevet de Maître de Poste et prend sa suite au Relais du Pin Bouchain. Qu’une femme soit Maître de Poste était exceptionnel, voire unique, à l’époque. Elle restera connue dans toute la région sous le nom de « la Sophie du Pin Bouchain ». Mariée sur le tard en 1831 à Claude François Noyel, elle décède à son domicile en 1858, toujours maîtresse de poste. Son neveu et héritier, Jean Rozier (Maire de Machézal de 1871 à 1874) lui succéda jusqu'à la suppression des relais en 1873.

 

 

Quant à l’histoire de l’omelette, est-elle véridique ou pure légende ? Rien n’est moins sûr car elle se raconte en d’autres endroits de France… mais si c’est une légende, elle a en tout état de cause fait son chemin le long de nos routes. 

Quand à Sophie Vallier, le curé du village de Machézal d’alors disait d’elle « C'est une sacrée bonne femme, elle vaut bien deux hommes et pas n'importe lesquels ». Peut-on dire, avec l’esprit peu féministe de l’époque, qu’elle était loin d’être une femmelette, et encore moins une « hommelette » ?

 

Texte : Claude Janin

 

D’apès : Gabriel Fouilland et al « La traversée des Monts de Tarare »